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Forum " Pour une initiative tricontinentale atlantique "
L’espace atlantique cependant, est aussi source de tensions et de problèmes. Ici, se côtoient les plus grandes disparités sociales et le fossé est immense entre les plus importantes puissances industrielles et les pays les plus démunis. Ici aussi, les trafics (drogues, armes, êtres humains), la criminalité transnationale et la violence sous toutes ses formes lancent un défi à l’ensemble des sociétés riveraines. Et l’on sait aujourd’hui, que ces menaces et problèmes ne peuvent être affrontés sans une coopération de plus en plus forte entre les Etats atlantiques.
Mais un espace, avec toutes ces ressources, ses opportunités et contraintes, restera un simple concept géographique s’il ne se matérialise pas en actions de coopération concrètes. Cette volonté d’agir ensemble est la condition indispensable pour en faire un sujet politique, économique et social capable d’avoir un impact sur sa propre dimension et sur le reste du monde. Or, l’espace atlantique a l’avantage d’allier la plus grande diversité et quelques fortes références communes. Une spécificité qui, en dépit de terribles drames historiques, sont de bon augure pour l’approfondissement de la coopération.
Les débats du Forum International « Pour une Initiative Tricontinentale Atlantique » ont permit de dégager plusieurs domaines où certaines actions communes concrètes pourraient être entreprises sans tarder :
1)L’océan lui-même, qui relie les sociétés de cet espace, est évidemment le premier objet de coopération possible. Les actions communes dans ce domaine comportent au moins trois dimensions :
a)la gestion et réglementation des ressources naturelles, en particulier les ressources halieutiques. Une première approche pourrait être la coopération entre laboratoires spécialisés permettant un partage des connaissances.
b)l’organisation d’une réponse mutualisée à la menace posée par la criminalité transnationale, particulièrement le trafic de drogues, d’armes et d’êtres humains, ainsi que par la piraterie dans l’espace maritime atlantique.
c)la protection et l’organisation des activités économiques maritimes (réglementation, surveillance et sauvetage en mer).
2)L’énergie est également un domaine-clef :
a)assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique de l’espace atlantique grâce aux investissements dans la prospection et l’exploitation des hydrocarbures (particulièrement dans les zones off-shore) et à l’établissement de flux d’approvisionnements dont les quantités et les prix seraient davantage prévisibles à moyen et long terme.
b)développer en commun les filières d’énergie renouvelables et soutenables, grâce aux investissements, transferts de technologie, standardisation des produits et ouverture des marchés consommateurs.
3)L’agriculture : l’Amérique Latine et l’Afrique représentent les deux plus importantes « frontières agricoles » encore disponibles, alors que l’Europe et l’Amérique du Nord sont des puissances agricoles avec des niveaux de productivité élevés. Un espace atlantique mieux régulé aura donc un impact déterminant sur les volumes et les prix des denrées qui s’échangent sur le marché mondial.
a)Ici également, l’objectif est de mobiliser les capitaux, la recherche agronomique et les moyens de production et distribution (fertilisants, machines, infrastructure…) afin de garantir à la fois une production soutenable (maîtrise des techniques de production, protection des sols, préservation des ressources et de la biodiversité) et une prévisibilité forte concernant les approvisionnements et les prix à long terme.
4)L’eau : Il faut garantir en priorité l’accès à l’eau des populations par des formules de gestion appropriées à cette ressource en tant que bien public. Développer également des programmes de gestion soutenable des ressources hydriques dans l’espace atlantique, non seulement dans le domaine de l’agriculture, mais aussi dans les processus de production industriels et miniers, ainsi que dans la production d’énergie.
5)Lutte contre le réchauffement climatique et défense de la biodiversité
a)L’espace atlantique comporte les deux plus grandes masses de forêts équatoriales, dont la préservation est essentielle pour maintenir les équilibres climatiques. Mais il faut également assurer les possibilités de développement des habitants de ces régions de forêts. Préserver la forêt tout en mettant un place des modèles de croissance économique respectueux de la biodiversité peuvent faire l’objet de coopérations inter-étatiques et de partenariats avec le secteur privé (un des exemples étant la coopération financière Norvège-Brésil dans ce domaine ainsi que l’initiative-pilote d’une économie amazonienne soutenable promue par l’Etat d’Amazonas au Brésil).
b)Les deux pôles, Arctique et Antarctique, jouent également un rôle très important dans la régulation climatique mondiale. Le réchauffement actuel modifie également les données de la navigation polaire et de l’accès aux ressources de ces régions. Un nombre de pays riverains de l’Atlantique ont toujours démontré un grand intérêt pour ces zones et il serait essentiel qu’un dialogue puisse se nouer afin de mieux gérer les inévitables évolutions que vont subir les statuts des régions polaires.
6)Mobilité humaine et développement.
L’espace atlantique se prévaut d’une tradition de brassages humains. La coopération dans le domaine du mouvement des personnes dans cet espace est urgente afin d’éviter les approches sécuritaires du problème de l’émigration, de garantir les droits des émigrés et de trouver des solutions « gagnant-gagnant » aussi bien pour les pays d’accueil que pour les pays d’origine. Quelques exemples :
a)développement de chaînes de production de valeurs transnationales permettant la création d’emplois dans les pays d’origine, liés à l’accès aux marchés des pays d’accueil.
b)offrir des produits d’épargne et des coûts de transfert plus compétitifs pour canaliser les flux financiers des émigrés vers des investissements productifs dans les pays d’origine
c)accords de coopération en vue de la prévention des flux clandestins et de la lutte contre les trafiquants d’êtres humains, dans le respect des droits des émigrés.
7)Développer les nouvelles technologies nécessaires pour l’adaptation des économies atlantiques à un nouveau modèle d’économie « vert ». Cela implique, davantage qu’un simple transfert de technologies, le montage de projets d’investissement productifs communs dans le cadre de partenariats croisés afin d’accélérer la mutation vers des modes de production plus soutenables. Cela veut dire également combattre les tentations d’un nouveau protectionnisme vert, qui serait discriminatoire pour le commerce des pays les moins bien équipés pour réaliser cette transition.
8)Education : dans le cadre de ce nouveau modèle économique plus « vert » et soutenable, le développement de l’économie de la connaissance est essentiel. Il est donc nécessaire et possible de développer des coopérations atlantiques dans le domaine de l’éducation en mettant en place des mécanismes favorisant la mobilité des étudiants e enseignants et les coopérations entre universités et centres de recherche dans l’aire atlantique.
a)mise au point d’un socle commun de connaissances techniques de base à la fin de la scolarité obligatoire, reconnu par l’ensemble des Etats riverains.
b)définir un système commun de qualifications professionnelles dans l’aire atlantique pour favoriser la mobilité des compétences.
c)identifier les métiers d’avenir dans l’environnement, l’eau et les énergies renouvelables, les compétences connexes et mettre en réseau des institutions de formation qui y préparent.
Bien entendu, il serait utopique et probablement contreproductif, de penser que ces différents domaines d’actions communes inter-atlantiques devraient réunir tous les Etats riverains. La seule voie raisonnable pour engager cette démarche est de concevoir les différentes coopérations concrètes comme des projets à « géométrie variable », chacun étant porté par un certain nombre d’Etats ou d’acteurs non-gouvernementaux qui ont intérêt à y participer. Il ne s’agit pas de créer encore une nouvelle organisation aux côtés de toutes celles qui existent et qui font leur travail. Mais il serait utile et nécessaire au développement de cet « esprit atlantique » que nous appelons de nos vœux que chaque Etat, chaque pouvoir local, chaque acteur gouvernemental de cet espace puisse intégrer cette dimension atlantique dans sa manière de concevoir son action intérieure et de la réaliser.