Le Maroc est un bon laboratoire d’exploration parce qu’il est méditerranéen et atlantique, d’Orient et d’Occident, de modernité et de tradition, développé avec des poches de sous-développement, démocratique avec des culs de sac d’ancien régime, islamo-arabe et en recherche d’universalité des valeurs.
La translation du local - allons plus loin que Skhirat et prenons le Maroc jusqu’au niveau général - à la planète pour aborder le triangle des problématiques Multilatéralismes/Mondialisation/Développement Durable impose un cadre de références partagées, sans concessions et sans heurts.
Ce qui manque le plus à la mondialisation, c’est une structure référentielle et principielle. Les références et les principes ont été balayés comme des feuilles mortes par vent mauvais – la crise actuelle du capitalisme, et alors que nous savons qu’il n’y a aucune alternative à la mondialisation et au multilatéralisme qui lui est consubstantiel, il n’y a pas plus de cadre politique d’inspiration commune : la démocratie reste contestée. Ce n’est guère plus éloquent au niveau institutionnel : les Nations Unies existent sans s’imposer à des souverainetés égoïstes et à des crises régionales. Ce constat trouve sa justification dans tous les domaines : aucune instance supranationale pour préserver l’environnement ; aucune gouvernance économique planétaire ; aucune ONG sous pavillon onusien de défense des droits de l’homme pour les minorités précaires et les libertés privées et publiques entravées. Quant aux états-nations, chacun cherche à tirer son épingle du jeu en recourant à des recettes éculées : protectionnisme, nationalisme, égoïsme économique.
Ce sombre tableau reflète une triste réalité, est-ce possible d’en modifier le cours ? est-ce souhaitable ? et va-t-on dans cette direction ? Quitte à paraître naïf, je répondrai trois fois oui en ajoutant triplement des réserves, bref je me rangerai dans la catégorie de l’optimiste sceptique. Pour y répondre, je scruterai brièvement la géopolitique de trois des principaux pôles d’influence : Etats-Unis/ Monde arabe et Europe, la trilatérale que j’explorerais en montrant que la voie multilatéraliste est la seule qui rende pérenne la mondialisation dans une perspective équitable et durable. Le multilatéralisme est une chance pour tous si l’adhésion est universelle et si les continents y sont associés de plein gré et en collaborant sur des bases démocratiques.
Quel avenir pour le leadership américain ?
Si la chute du mur de Berlin en novembre 1989 a marqué l’apogée de l’hyperpuissance américaine, les attentats du 11 septembre 2001 ont ébranlé le leadership de la première puissance mondiale. Car l’Amérique s’est retrouvée confrontée à une série incontrôlée d’événements mêlant le religieux (islamisme), l’économique (crise financière), le terrorisme (Afghanistan, Irak), la prolifération nucléaire (Iran, Corée) et l’environnement (réchauffement du climat). L’unilatéralisme triomphant et manichéen (avec les fameuses/fumeuses thèses sur Mars/Vénus…) n’est pas une création ex nihilo des néoconservateurs de Washington, ces intellectuels girouettes n’ont fait que théoriser une représentation erronée de l’histoire lors de l’effondrement du communisme et de l’ex-Union soviétique : le triomphe ubiquitaire et absolutiste de la démocratie made in USA.
Face au fondamentalisme islamiste, les pays arabo-musulmans n’ont pas opté spontanément pour la voie démocratique ; la Russie, gorgée d’hydrocarbures et de dollars, reste une forteresse autoritaire ; l’économie de marché triomphante en Chine n’a pas insufflé à la Grande Muraille les libertés publiques et privées escomptées ; l’Europe s’est élargie sans s’accomplir comme véritable grande puissance ; l’Afrique est restée en voie de développement sans rompre avec son passé ethno-conflictuel. La démocratie dans les relations internationales ne saurait être une idée abstraite et d’exportation comme ont pu le suggérer les stratèges de l’impérium américain. Cette vision absconse et anachronique a germé parmi les zélotes de la « religion de la domination » comme le levier stratégique d’un unilatéralisme conquérant. Les Etats-Unis demeurent une grande puissance, et probablement la plus influente en ce XXIe siècle, mais l’unilatéralisme US et son oxymore démocratique sont à ranger parmi les échecs patents d’une mondialisation égoïste et d’un monde sans qualités. D’ailleurs l’unicité du monde aux couleurs américaines, nonobstant tout ce que l’on doit à ce pays pionnier, à ce peuple courageux, à cette société valeureuse et à une ingéniosité remarquable, aboutirait tout simplement à rendre le monde invivable. La mondialisation induit le multilatéralisme par les mobilités inhérentes, les frontières franchies, la lutte transfrontière contre le terrorisme, la protection internationale de l’environnement, le développement durable de la planète et la globalisation des échanges économiques. L’Amérique a fait fausse route dans les années 1990 en optant pour l’unilatéralisme et c’est une des causes du leadership écorné de ce grand pays.
Conclusion : une Amérique multilatéraliste peut espérer renouer avec son leadership, ce qu’espère Obama. Wait and see.
Renationalisation de l’islam dans le monde arabe.
Le monde arabo-musulman est au cœur de la mondialisation mais le multilatéralisme n’est pas la voie empruntée, à l’exception de quelques pays comme le Maroc. L’islam fait retour partout où il y a du musulman en pays arabe, mais aussi dans d’autres contrées à dominante chrétienne orthodoxe, bouddhiste…et laïque. L’islamisation des sociétés arabes, également perse et turque, d’Asie centrale ou du Pacifique, s’observe par des phénomènes d’inclusion et d’exclusion.
En reconfigurant le champ social vers plus de sobriété, de spiritualité et aussi d’homogénéité, l’islam induit de facto une restructuration du champ religieux. Ce qui conduit les pays arabo-musulmans ou simplement musulmans à une renationalisation de l’islam qui consiste à établir des passerelles entre le pouvoir politique et des organisations (ou des partis) islamiques pour intégrer des prescriptions religieuses dans la gestion de la cité. Cette dynamique est à l’œuvre au Maghreb, elle s’appuie sur la capacité caritative des uns pour socialiser les autres et revigorer la cohésion sociale. Elle exige une adhésion populaire et des investissements culturels et financiers nationaux et extranationaux. Elle est encouragée par une médiatisation endogène et exogène (chaînes satellitaires arabes). La renationalisation de l’islam se nourrit également de ressentiments nationalistes qui aboutissent à des phénomènes d’exclusion sociale perturbant le développement économique et la démocratie politique. Ainsi les ressources en hydrocarbures dont disposent, par exemple, l’Algérie ou l’Iran, viennent soutenir un patriotisme (intérieur) et un nationalisme à usage extérieur sans réussir à frayer un développement économique durable – dont ces pays ont les moyens financiers et humains.
Les pays musulmans ou arabo-musulmans participent de la loi commune engendrée par le brassage des populations, la globalisation des économies et le commerce des idées, en témoigne la politique d’ouverture du Maroc. Reste à concilier la réappropriation nationale de l’islam qui paraît inexorable dans ces pays, mise à l’œuvre par des représentants religieux et adoubée par un volontarisme politique, avec une société mondialisée par des jouissances individuelles, la dialectique du masculin-féminin, l’aspiration au développement, le multilatéralisme dans les relations internationales et un dialogue interreligieux prônant la non-substitution théologique (un Dieu unique pour des interprétations religieuses diverses), soit un débat interreligieux de réciprocité, un débat ouvert et critique d’où l’inutilité de mettre en exergue les oppositions dogmatiques comme les confusions syncrétiques.
Au sein du concert des nations, plus les pays arabo-musulmans participent de la vie internationale, mieux se portera la gouvernance de l’univers et son levier géostratégique : le multilatéralisme. Quant au levier culturel qui sert de soubassement à la démocratie et permet au concert des nations un dialogue politique non-assujetti aux pressions religieuses, il a pour expression laïque : altérité instituante. Le monde arabo-musulman aura toute sa place au sein de la mondialisation en adoptant la voie multilatéraliste.
L’Europe en question.
L’Union européenne est confrontée à un problème géographique, économique et identitaire. A l’est, l’ouverture est désormais problématique du fait de l’influence russe renaissante. Ne nous attardons pas là-dessus, c’est connu. Au sud, le problème de la Turquie durera un quart de siècle tant il soulève des polémiques identitaires, voire religieuses que personne ne sait encore résoudre, parce que se mêlent des facteurs démographiques, socio-culturels et socio-économiques qui ne sont pas résolus.
Au niveau économique, le constat est évident : face à l’Asie émergente, à un monde arabo-musulman en recherche de prospérité, à une Amérique en quête de leadership, l’Europe cherche à préserver son modèle social, exceptionnel à divers égards mais coûteux et exigeant.
L’Europe ne saurait reconquérir un leadership socio-culturel à l’échelle des nations, que si ce continent est capable d’emprunter la voie multilatéraliste qui passe à mon avis par une altérité instituante. Je concluerai mon propos en précisant ce que j’entends par cette « nouvelle laïcité ». Une renaissance culturelle dont l’Europe est capable en coopération avec le reste du monde,il s’agira d’un nouveau dixhuitiémisme européen avec des Lumières irradiant de tous les continents.
La nouvelle laïcité ou l’altérité instituante.
Les identités sont partout malmenées et leurs causes nombreuses (guerres, sous-développement économique, fanatismes religieux, ultranationalisme). Plutôt que de nier la prégnance identitaire sur les comportements et de stigmatiser sans nuances les communautarismes qui en découlent, il faut aider à repenser la question identitaire en plaçant son examen sous le regard de l’autre, en l’occurrence croiser Nord et Sud, Est et Ouest. La laïcité s’enrichirait de l’altérisation de ses contenus culturels, elle pourrait faire l’objet d’un programme éducatif dit de « civilisations comparées » pour en étendre la perception altruiste et libérale à ceux qui en sont privés. Le multilatéralisme des nations pourrait faire œuvre d’altérité instituante pour les cultures du monde arabe en les brassant à l’Occident, les cultures de l’Est vers l’Ouest etc…
L’altérité instituante, c’est choisir une voie politique qui viendrait nouer différemment les ingrédients constitutifs des conflits dans le monde et permettrait à ses protagonistes, sans cesser respectivement de se réclamer de leur légitimité nationale, d’opérer un dépassement politique et éthique d’acceptation réciproque. Le conflit israélo-palestinien par exemple n’est après tout qu’une espèce de guerre fondatrice de droit comme l’humanité en a connue tout au long de son histoire et dont « l’heureuse » conclusion a pu se faire en reconnaissant des droits égaux aux contractants.
Le multilatéralisme doit être une altérité instituante, autrement dit une libre contrainte légitimée par la loi et engageant les pays, les peuples, les cultures, les économies et les religions à un dialogue de civilisation sur des bases de tolérance, à des échanges pour corriger les inégalités et autres asymétries de développement et à une ingérence géostratégique pour débusquer et combattre la tyrannie où qu’elle se situe et quels que soient ses habits idéologiques ou religieux.
Le multilatéralisme résonne d’une vocalise universelle. Plus qu’une simple méthode diplomatique, ce devrait être une loi des nations distillant un parfum singulier de gravité à l’encontre des égoïsmes singuliers et nationaux. Les Etats doivent répondre de leurs actes et les individus ne sauraient échapper à leurs responsabilités.
Dans un monde sans boussole et qui voit l’instrumentalisation des pouvoirs et de la violence par des gouvernements peu scrupuleux et démagogues, le multilatéralisme, par son oscillation morale et son inspiration cosmopolite, constitue le langage de la mondialisation.
La translation du local - allons plus loin que Skhirat et prenons le Maroc jusqu’au niveau général - à la planète pour aborder le triangle des problématiques Multilatéralismes/Mondialisation/Développement Durable impose un cadre de références partagées, sans concessions et sans heurts.
Ce qui manque le plus à la mondialisation, c’est une structure référentielle et principielle. Les références et les principes ont été balayés comme des feuilles mortes par vent mauvais – la crise actuelle du capitalisme, et alors que nous savons qu’il n’y a aucune alternative à la mondialisation et au multilatéralisme qui lui est consubstantiel, il n’y a pas plus de cadre politique d’inspiration commune : la démocratie reste contestée. Ce n’est guère plus éloquent au niveau institutionnel : les Nations Unies existent sans s’imposer à des souverainetés égoïstes et à des crises régionales. Ce constat trouve sa justification dans tous les domaines : aucune instance supranationale pour préserver l’environnement ; aucune gouvernance économique planétaire ; aucune ONG sous pavillon onusien de défense des droits de l’homme pour les minorités précaires et les libertés privées et publiques entravées. Quant aux états-nations, chacun cherche à tirer son épingle du jeu en recourant à des recettes éculées : protectionnisme, nationalisme, égoïsme économique.
Ce sombre tableau reflète une triste réalité, est-ce possible d’en modifier le cours ? est-ce souhaitable ? et va-t-on dans cette direction ? Quitte à paraître naïf, je répondrai trois fois oui en ajoutant triplement des réserves, bref je me rangerai dans la catégorie de l’optimiste sceptique. Pour y répondre, je scruterai brièvement la géopolitique de trois des principaux pôles d’influence : Etats-Unis/ Monde arabe et Europe, la trilatérale que j’explorerais en montrant que la voie multilatéraliste est la seule qui rende pérenne la mondialisation dans une perspective équitable et durable. Le multilatéralisme est une chance pour tous si l’adhésion est universelle et si les continents y sont associés de plein gré et en collaborant sur des bases démocratiques.
Quel avenir pour le leadership américain ?
Si la chute du mur de Berlin en novembre 1989 a marqué l’apogée de l’hyperpuissance américaine, les attentats du 11 septembre 2001 ont ébranlé le leadership de la première puissance mondiale. Car l’Amérique s’est retrouvée confrontée à une série incontrôlée d’événements mêlant le religieux (islamisme), l’économique (crise financière), le terrorisme (Afghanistan, Irak), la prolifération nucléaire (Iran, Corée) et l’environnement (réchauffement du climat). L’unilatéralisme triomphant et manichéen (avec les fameuses/fumeuses thèses sur Mars/Vénus…) n’est pas une création ex nihilo des néoconservateurs de Washington, ces intellectuels girouettes n’ont fait que théoriser une représentation erronée de l’histoire lors de l’effondrement du communisme et de l’ex-Union soviétique : le triomphe ubiquitaire et absolutiste de la démocratie made in USA.
Face au fondamentalisme islamiste, les pays arabo-musulmans n’ont pas opté spontanément pour la voie démocratique ; la Russie, gorgée d’hydrocarbures et de dollars, reste une forteresse autoritaire ; l’économie de marché triomphante en Chine n’a pas insufflé à la Grande Muraille les libertés publiques et privées escomptées ; l’Europe s’est élargie sans s’accomplir comme véritable grande puissance ; l’Afrique est restée en voie de développement sans rompre avec son passé ethno-conflictuel. La démocratie dans les relations internationales ne saurait être une idée abstraite et d’exportation comme ont pu le suggérer les stratèges de l’impérium américain. Cette vision absconse et anachronique a germé parmi les zélotes de la « religion de la domination » comme le levier stratégique d’un unilatéralisme conquérant. Les Etats-Unis demeurent une grande puissance, et probablement la plus influente en ce XXIe siècle, mais l’unilatéralisme US et son oxymore démocratique sont à ranger parmi les échecs patents d’une mondialisation égoïste et d’un monde sans qualités. D’ailleurs l’unicité du monde aux couleurs américaines, nonobstant tout ce que l’on doit à ce pays pionnier, à ce peuple courageux, à cette société valeureuse et à une ingéniosité remarquable, aboutirait tout simplement à rendre le monde invivable. La mondialisation induit le multilatéralisme par les mobilités inhérentes, les frontières franchies, la lutte transfrontière contre le terrorisme, la protection internationale de l’environnement, le développement durable de la planète et la globalisation des échanges économiques. L’Amérique a fait fausse route dans les années 1990 en optant pour l’unilatéralisme et c’est une des causes du leadership écorné de ce grand pays.
Conclusion : une Amérique multilatéraliste peut espérer renouer avec son leadership, ce qu’espère Obama. Wait and see.
Renationalisation de l’islam dans le monde arabe.
Le monde arabo-musulman est au cœur de la mondialisation mais le multilatéralisme n’est pas la voie empruntée, à l’exception de quelques pays comme le Maroc. L’islam fait retour partout où il y a du musulman en pays arabe, mais aussi dans d’autres contrées à dominante chrétienne orthodoxe, bouddhiste…et laïque. L’islamisation des sociétés arabes, également perse et turque, d’Asie centrale ou du Pacifique, s’observe par des phénomènes d’inclusion et d’exclusion.
En reconfigurant le champ social vers plus de sobriété, de spiritualité et aussi d’homogénéité, l’islam induit de facto une restructuration du champ religieux. Ce qui conduit les pays arabo-musulmans ou simplement musulmans à une renationalisation de l’islam qui consiste à établir des passerelles entre le pouvoir politique et des organisations (ou des partis) islamiques pour intégrer des prescriptions religieuses dans la gestion de la cité. Cette dynamique est à l’œuvre au Maghreb, elle s’appuie sur la capacité caritative des uns pour socialiser les autres et revigorer la cohésion sociale. Elle exige une adhésion populaire et des investissements culturels et financiers nationaux et extranationaux. Elle est encouragée par une médiatisation endogène et exogène (chaînes satellitaires arabes). La renationalisation de l’islam se nourrit également de ressentiments nationalistes qui aboutissent à des phénomènes d’exclusion sociale perturbant le développement économique et la démocratie politique. Ainsi les ressources en hydrocarbures dont disposent, par exemple, l’Algérie ou l’Iran, viennent soutenir un patriotisme (intérieur) et un nationalisme à usage extérieur sans réussir à frayer un développement économique durable – dont ces pays ont les moyens financiers et humains.
Les pays musulmans ou arabo-musulmans participent de la loi commune engendrée par le brassage des populations, la globalisation des économies et le commerce des idées, en témoigne la politique d’ouverture du Maroc. Reste à concilier la réappropriation nationale de l’islam qui paraît inexorable dans ces pays, mise à l’œuvre par des représentants religieux et adoubée par un volontarisme politique, avec une société mondialisée par des jouissances individuelles, la dialectique du masculin-féminin, l’aspiration au développement, le multilatéralisme dans les relations internationales et un dialogue interreligieux prônant la non-substitution théologique (un Dieu unique pour des interprétations religieuses diverses), soit un débat interreligieux de réciprocité, un débat ouvert et critique d’où l’inutilité de mettre en exergue les oppositions dogmatiques comme les confusions syncrétiques.
Au sein du concert des nations, plus les pays arabo-musulmans participent de la vie internationale, mieux se portera la gouvernance de l’univers et son levier géostratégique : le multilatéralisme. Quant au levier culturel qui sert de soubassement à la démocratie et permet au concert des nations un dialogue politique non-assujetti aux pressions religieuses, il a pour expression laïque : altérité instituante. Le monde arabo-musulman aura toute sa place au sein de la mondialisation en adoptant la voie multilatéraliste.
L’Europe en question.
L’Union européenne est confrontée à un problème géographique, économique et identitaire. A l’est, l’ouverture est désormais problématique du fait de l’influence russe renaissante. Ne nous attardons pas là-dessus, c’est connu. Au sud, le problème de la Turquie durera un quart de siècle tant il soulève des polémiques identitaires, voire religieuses que personne ne sait encore résoudre, parce que se mêlent des facteurs démographiques, socio-culturels et socio-économiques qui ne sont pas résolus.
Au niveau économique, le constat est évident : face à l’Asie émergente, à un monde arabo-musulman en recherche de prospérité, à une Amérique en quête de leadership, l’Europe cherche à préserver son modèle social, exceptionnel à divers égards mais coûteux et exigeant.
L’Europe ne saurait reconquérir un leadership socio-culturel à l’échelle des nations, que si ce continent est capable d’emprunter la voie multilatéraliste qui passe à mon avis par une altérité instituante. Je concluerai mon propos en précisant ce que j’entends par cette « nouvelle laïcité ». Une renaissance culturelle dont l’Europe est capable en coopération avec le reste du monde,il s’agira d’un nouveau dixhuitiémisme européen avec des Lumières irradiant de tous les continents.
La nouvelle laïcité ou l’altérité instituante.
Les identités sont partout malmenées et leurs causes nombreuses (guerres, sous-développement économique, fanatismes religieux, ultranationalisme). Plutôt que de nier la prégnance identitaire sur les comportements et de stigmatiser sans nuances les communautarismes qui en découlent, il faut aider à repenser la question identitaire en plaçant son examen sous le regard de l’autre, en l’occurrence croiser Nord et Sud, Est et Ouest. La laïcité s’enrichirait de l’altérisation de ses contenus culturels, elle pourrait faire l’objet d’un programme éducatif dit de « civilisations comparées » pour en étendre la perception altruiste et libérale à ceux qui en sont privés. Le multilatéralisme des nations pourrait faire œuvre d’altérité instituante pour les cultures du monde arabe en les brassant à l’Occident, les cultures de l’Est vers l’Ouest etc…
L’altérité instituante, c’est choisir une voie politique qui viendrait nouer différemment les ingrédients constitutifs des conflits dans le monde et permettrait à ses protagonistes, sans cesser respectivement de se réclamer de leur légitimité nationale, d’opérer un dépassement politique et éthique d’acceptation réciproque. Le conflit israélo-palestinien par exemple n’est après tout qu’une espèce de guerre fondatrice de droit comme l’humanité en a connue tout au long de son histoire et dont « l’heureuse » conclusion a pu se faire en reconnaissant des droits égaux aux contractants.
Le multilatéralisme doit être une altérité instituante, autrement dit une libre contrainte légitimée par la loi et engageant les pays, les peuples, les cultures, les économies et les religions à un dialogue de civilisation sur des bases de tolérance, à des échanges pour corriger les inégalités et autres asymétries de développement et à une ingérence géostratégique pour débusquer et combattre la tyrannie où qu’elle se situe et quels que soient ses habits idéologiques ou religieux.
Le multilatéralisme résonne d’une vocalise universelle. Plus qu’une simple méthode diplomatique, ce devrait être une loi des nations distillant un parfum singulier de gravité à l’encontre des égoïsmes singuliers et nationaux. Les Etats doivent répondre de leurs actes et les individus ne sauraient échapper à leurs responsabilités.
Dans un monde sans boussole et qui voit l’instrumentalisation des pouvoirs et de la violence par des gouvernements peu scrupuleux et démagogues, le multilatéralisme, par son oscillation morale et son inspiration cosmopolite, constitue le langage de la mondialisation.
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