Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je voudrais tout d’abord remercier le Haut Commissariat au Plan d'avoir pris l'initiative d’organiser ce Forum. Je suis heureux de pouvoir partager avec vous quelques réflexions sur un thème de grande actualité, la gouvernance globale et régionale et le rôle joué par l’Union européenne dans celle-ci.
Beaucoup seraient aujourd'hui étonnés d’entendre que la globalisation n'est pas un phénomène nouveau. Mais ils ne devraient pas l’être ! Il y a 100 ans, il n'y avait pas d’internet, pas de vols commerciaux et pas de téléphones portables. Pourtant, le monde à cette époque était très semblable au notre. Beaucoup de pays connaissaient déjà à l’époque une relative libre circulation des personnes, du capital et des marchandises, et tous les avantages qui en découlent ; choses que nous considérons comme allant de soi aujourd’hui.
Mais pourtant, il n'y a rien d’acquis dans le processus de globalisation. L'édifice peut s’écouler rapidement s’il est soumis à une menace économique, sociale ou politique.
Deux guerres et une dépression mondiales ont été plus que suffisantes pour mettre un terme à cette première vague de globalisation.
Jusqu’à récemment, beaucoup d'entre nous ont sans doute estimé que la situation dans notre monde mondialisé était 'normale, certaine et permanente '.
Mais sont ensuite venus la crise des sub-prime, le resserrement du crédit, la crise financière, une forte baisse des échanges internationaux et une récession mondiale.
Étant donnés les énormes progrès que nous avons réalisés ces dernières années – la sortie de la pauvreté de millions de personnes, l'interdépendance croissante qui encourage une plus grande stabilité - il est essentiel que le monde ne tourne pas de nouveau le dos à la globalisation suite à la crise mondiale. Il est essentiel que nous évitions les erreurs du passé.
Il y a lieu d'être optimiste. Jusqu'ici, le monde a résisté aux pires tentations protectionnistes. Et il y a une conviction partagée que cette crise nous offre une réelle occasion de corriger les erreurs du passé.
Un fameux poète classique Iraquien du Xème siècle, Al-Mutanabbi, disait que "C'est au milieu de la boue que l'on trouve l'or". De la même manière, nous devons chercher dans cette crise les enseignements qui nous permettrons d’éviter de répéter les erreurs passées, d’identifier les fragilités du système et de les corriger et de retrouver une croissance et un développement durables.
En fait, j'irais jusqu’à dire que la crise financière représente un tournant pour la gouvernance mondiale, à la fois politique et psychologique; l'émergence du processus du G20 en est un signe. Mais il appartient à nous, la communauté international, de saisir cette occasion.
Chers amis,
L’émergence croissante de défis globaux exigeant des solutions mondiales– instabilité financière, développement, réchauffement climatique, pandémies, terrorisme – nous montre que l'inaction n'est plus une option.
Si nous échouons, l'histoire ne nous jugera pas avec indulgence.
Pour sa part, l'UE joue certainement, et continuera à jouer, un rôle central dans le façonnage du nouvel ordre mondial qui voit progressivement le jour.
Permettez-moi de vous expliquer pourquoi.
L'UE est une union d’Etats, de peuples et de citoyens basée sur la démocratie, l'État de droit, les droits de l'homme et l’ouverture des marchés et la libre concurrence.
Elle est née après la seconde Guerre Mondiale dans une Europe complètement déchirée par ce conflit.
L’Europe a su tirer les leçons de cette expérience brutale et saisir l’opportunité de repenser complètement son avenir.
Elle a rejeté la politique internationale traditionnelle, fondée sur la menace de la violence, et a préféré se tourner vers des relations internationales fondées sur le droit et les institutions supranationales.
Ces institutions sont bien plus élaborées que ce que nous connaissons au niveau mondial. En effet, l'UE est une construction originale assez différente de tout ce qui l’a précédé. Ses mécanismes pour obtenir le consensus et pour prendre des mesures communes en font un modèle pour un ordre mondial basé sur l'État de droit.
L'Union européenne représente le triomphe de la réconciliation sur la vengeance ; de la coopération sur le chaos ; de la loi sur la violence.
L'UE n’est pas seulement un modèle pour une meilleure gouvernance mondiale parce qu'elle est la première à agir – ce qui encourage cependant d'autres Etats à agir également. Mais c'est aussi la manière dont nous agissons qui fait de l'UE un laboratoire de la globalisation : consensus entre 27 Etats-nations, partenariats décentralisés avec les autorités et acteurs régionaux et locaux, décisions juridiquement contraignantes, transposition et mise en œuvre de ces décisions, le tout soutenu par la compétence juridique obligatoire et automatique d'une cour de justice supranationale.
Le succès de l'UE dans la promotion de la stabilité et de la prospérité a longtemps fonctionné comme un aimant, favorisant la paix et le changement institutionnel, notamment par le biais de la perspective d’élargissement.
Et aujourd'hui, par le commerce, les finances, la coopération dans les fora mondiaux, l’aide au développement, le partenariat, la prévention des conflits et la protection de l'environnement, l'UE utilise son pois et son influence politique pour promouvoir la paix, la stabilité et la prospérité bien au-delà de ses frontières.
L'UE reste la première puissance commerciale mondiale et lui incombe donc une responsabilité particulière dans la définition des règles multilatérales. L'UE étant le principal marché des pays en développement, elle a aussi une énorme responsabilité morale vis-à-vis d’eux et doit veiller à ne pas les oublier.
Permettez-moi de vous rappeler ici que l'UE est loin d'être parfaite. Elle a ses propres défis à relever – la démographie et la réforme structurelle pour n’en nommer que deux. Son processus de décision lourd, sa nécessité constante de coordination et de respect mutuel dans la recherche laborieuse du consensus entre un grand nombre d’Etats très divers sont en particulier critiqués.
Mais il est difficile de voir comment une gouvernance mondiale efficace, incluant des Etats souverains, peut être réalisée de manière complètement différente. Ainsi, ce que certains voient comme un inconvénient pour l'UE aujourd'hui, sera vu comme un avantage pour un ordre mondial émergeant basé sur des règles de droit.
Prenez l’exemple de la crise et de la réforme du système financier mondial. La position commune de l'UE, approuvée par les États membres en mars dernier, nous a aidés à jouer un rôle fort et important lors de la réunion du G20 à Londres.
Nous sommes déjà en train de mettre en œuvre les engagements pris au G20 en matière de gérants de fonds dits « alternatifs » et de supervision bancaire. Ceci reflète notre détermination à montrer l’exemple.
Par ailleurs, l'UE se félicite de voir émerger le G-20 comme un nouveau forum de concertation et de coopération face à la crise. Ceci marque une étape importante vers une plus grande implication des puissances émergentes dans la gouvernance globale. L'UE est évidement attentive au fait que les différentes régions du monde soient représentées d’une manière adéquate dans les structures de coopération qui se mettent en place.
Et n'oublions pas l'impact de la crise sur les gens ordinaires. En complément de ces mesures techniques, la Commission se concentre à nouveau sur l'emploi - comme en témoigne le sommet de mai à Prague sur l’emploi - et développe des politiques d'aide aux États membres pour la mise en œuvre de réponses efficaces aux défis que représentent de la création d'emplois et de la cohésion sociale.
Je voudrais aussi rappeler que l’UE est le premier pourvoyeur d’aide au développement sur le plan mondial, s’imposant ainsi comme un acteur international clé du développement.
Un autre domaine dans lequel l'UE illustre son influence est le réchauffement climatique. Le leadership de l’UE dans les négociations sur ce thème primordial est devenu un élément marquant de son influence sur le système international.
Lorsque le « paquet énergie-climat » de la Commission a été officiellement adopté le mois dernier (le 23 avril), l'Europe a de nouveau affirmé son rôle pionnier dans ce domaine, devenant ainsi la première région au monde à fixer des objectifs aussi ambitieux et juridiquement contraignants dans le domaine du réchauffement climatique et de l’énergie.
Dans le cas du réchauffement climatique, nous n'avons vraiment pas eu d’autre choix. Dans un monde où l'augmentation annuelle d’émissions en gaz carbonique de la Chine dépasse les émissions annuelles totales de l'Allemagne, comment pouvons- nous rester en retrait et nous contenter d'une action qui se limite aux frontières de l'Europe ?
Mais dans d'autres secteurs aussi, le défi européen des années à venir sera de plus en plus la mise en œuvre externe des politiques internes de l’UE. L’éventuelle ratification du Traité de Lisbonne renforcerait ces efforts, en améliorant la cohésion et l'efficacité de notre action extérieure.
C'est dans ce contexte que la Commission européenne essaye d’améliorer sa coopération avec les Nations Unies et d'autres acteurs internationaux.
L'UE croit fermement que l’Organisation des Nations unies, s’appuyant sur la légitimité unique que lui confère son caractère mondial, peut et devrait contribuer davantage à améliorer la gouvernance mondiale.
Mais il y a une question plus fondamentale que j'aimerais souligner : pour que le multilatéralisme fonctionne en pratique nous avons besoin d’une nouvelle forme de gouvernance mondiale, dotée d’institutions capables de faire face aux défis d'aujourd'hui. La réforme des institutions économiques et financières est une priorité absolue de l'ordre du jour, mais il n’en demeure pas moins que le reste du cadre institutionnel international exige également notre pleine et entière attention.
L'UE est décidée à contribuer à un débat ouvert et constructif sur la réformes des Nations unies. Nous devons nous concentrer sur les solutions– pas sur les problèmes.
Nous continuerons à nous engager aux côtés de nos partenaires partout dans le monde, à comprendre mieux leurs préoccupations et à voir comment nous pouvons avancer ensemble. La réforme n'est pas la prérogative d'un groupe ou d’un autre – elle est nécessaire pour tous.
L’UE et la gouvernance régionale
Les 11 et 12 mai, les représentants des pays et régions du monde entier se sont réunis à Bruxelles lors d’une conférence organisée par la Commission pour débattre et examiner la dimension régionale de la gouvernance dans un monde mondialisé.
L’Union européenne est en effet un exemple et un partenaire pour plusieurs organisations régionales –come le Mercosur, l’ASEAN, le SICA (Système d’intégration centraméricain)- et elle se tient prête à trouver les moyens de soutenir leur développement en tant que piliers de la gouvernance mondiale et régionale.
Permettez-moi de revenir à un exemple d’initiative régionale visant à aborder les défis communs actuels: la nouvelle initiative «Union pour la Méditerranée » pourrait être considérée comme une réponse à la globalisation et aux problèmes régionaux.
C`est bien le modèle européen, avec toutes ses imperfections et ses limites, c`est bien la construction européenne qui, dans son ensemble peut apporter une réponse -pas la seule réponse, mais une réponse possible- aux considérables enjeux de la Méditerranée. Et ce modèle est celui qui a inspiré le Processus de Barcelone, la Politique européenne de Voisinage et l’initiative de l’Union pour la Méditerranée.
Quel que soit l’avenir de la situation au Proche Orient, quel que soit la durée de la crise économique, quel que soit aussi le destin des initiatives politiques comme l’Union pour la Méditerranée, les données de base de la Méditerranée ne changent pas :
- Transformations politiques sur fond d’une transition démographique et sociale profonde, à différent degrés, mais pour tous les pays de la région, et
- Nécessité d’une coopération géostratégique entre l’UE et tous les partenaires méditerranéennes pour faire face aux enjeux communs de sécurité, d’énergie, de bonne gestion des flux migratoires, et de croissance économique durable.
En 2008, fidele à la longue tradition méditerranéenne, l’initiative politique française de lancer l’Union pour la Méditerranée a permis de remettre la Mare Nostrum au centre de la politique extérieure européenne. Il s’agissait aussi d’aborder le problème majeur auquel nous sommes confrontés : le différentiel de prospérité entre le nord et le sud de la Méditerranée. Par exemple, 14 kilomètres séparent l’Espagne et le Maroc par le détroit de Gibraltar mais il y a une différence de 1 à 14 entre les PIB par habitant entre ces deux pays.
Le rôle de la France a été essentiel. Mais la contribution de la Commission européenne a été très importante aussi.
Ainsi, après des longues consultations avec tous les partenaires, la Commission a été en mesure de faire des propositions à la fois ambitieuses et réalistes. Le résultat de cette approche est que les conclusions du sommet de l’UPM de Paris du 13 juillet 2008 sont largement fondées sur les propositions de la Commission.
Quel sont les grandes réussites de ce sommet ? Il y en a essentiellement trois :
- Placer les relations euro-méditerranéennes au plus haut niveau politique. Les chefs d’Etat et de gouvernement de la région se réuniront désormais tous les deux ans pour piloter un partenariat essentiel à la prospérité et à la sécurité de l’ensemble des pays de la région.
- Mettre en place une nouvelle structure institutionnelle pour le partenariat euro-méditerranéen, avec une coprésidence, un secrétariat et un comité conjoint permanent basé à Bruxelles.
- Lancer 6 grands projets régionaux : la dépollution de la Méditerranée, la construction de routes maritimes et terrestres, la création d’un programme commun de protection civile sur la prévention, la préparation et la réponse aux catastrophes, le développement des énergies renouvelables, l’appui à l’enseignement supérieur et à la recherche et l'initiative méditerranéenne de développement d'entreprises.
Ces réussites n’ont pas pu effacer la grande insuffisance de notre partenariat régional : l’incapacité de la communauté internationale à résoudre le conflit au Moyen-Orient. L’épée de Damoclès qui a pesé très lourdement sur le processus de Barcelone continue à peser sur l’UPM.
Comme vous le savez, l’arrêt complet des activités et des réunions suite au conflit à Gaza n’a pas permis de faire avancer les principaux dossiers de l’Union pour la Méditerranée, et notamment :
- La mise en place du secrétariat ; et
- La préparation des 9 réunions ministérielles de l’UPM prévues pour 2009.
Malheureusement ce n’est pas la première fois qu’une situation de conflit grave affecte la région. En 2006, la présidence finlandaise de l’UE a été confrontée à une situation semblable suite à la guerre du Liban.
Mais, malgré les conflits et fractures, la conscience d’un patrimoine à préserver et d’un avenir commun persiste. Un patrimoine politique représenté par les acquis du Processus de Barcelone et de l’UPM. Et surtout un avenir commun face aux nombreux enjeux mondiaux.
Permettez-moi de faire référence à trois enjeux majeurs de la région, hormis, bien entendu, celui de la paix qui reste une priorité essentielle. Trois défis pour la région toute entière mais aussi trois opportunités pour l’Europe et son double rôle de principale puissance commerciale et de principal donateur d’aide au développement.
Le premier enjeu fondamental pour la Méditerranée : l’emploi. D’ici à 2020 les pays méditerranéens partenaires devront créer 22 millions de nouveaux emplois rien que pour maintenir le taux de chômage actuel qui est déjà très élevé.
C’est un défi de grande envergure, mais c’est aussi une grande opportunité de croissance pour les partenaires eux-mêmes, et bien entendu, pour l’Europe, ses investissements et son commerce. Une bonne gestion de la mobilité des personnes et des ressources humaines des deux côtés de la Méditerranée restera une priorité. Les deux régions peuvent exploiter les opportunités d’une collaboration accrue dans le domaine de ressources humaines et de la migration légale.
Deuxièmement, l’importance du réchauffement climatique pour la Méditerranée. Celui-ci devrait affecter très particulièrement la région. Les 22 pays riverains comptent 7% de la population mondiale mais uniquement 3% de ses ressources en eau. Le coût de la dégradation environnementale dans certains pays comme en Egypte ou en Algérie dépasse 5% du PIB.
Enfin, l’énergie. Il s’agit d’un enjeu stratégique à l’échelle mondiale. La Méditerranée représente 6% de la production de pétrole et 5% de la production de gaz mondiale. Mais plus important encore, 1/4 de tout le gaz et le pétrole qui fait l’objet du commerce international transite par la mer Méditerranée. Nous sommes donc dans une région stratégique pour l’Europe en ce qui concerne l’approvisionnement énergétique et la crise gazière entre la Russie et l’Ukraine ne font que confirmer l’importance d’une diversification de sources énergétiques pour l’Europe.
En conclusion, nous devons donc cultiver inlassablement notre volonté commune et notre persévérance pour faire face aux énormes défis auxquels la communauté internationale est confrontée, et pour aller de l'avant. C’est le point de départ naturel de tout effort pour améliorer la gouvernance mondiale.
Je vous remercie de votre attention.
Eneko Landaburu
Aller à l'espace téléchargement -Rubrique : Interventions- pour télécharger le document
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je voudrais tout d’abord remercier le Haut Commissariat au Plan d'avoir pris l'initiative d’organiser ce Forum. Je suis heureux de pouvoir partager avec vous quelques réflexions sur un thème de grande actualité, la gouvernance globale et régionale et le rôle joué par l’Union européenne dans celle-ci.
Beaucoup seraient aujourd'hui étonnés d’entendre que la globalisation n'est pas un phénomène nouveau. Mais ils ne devraient pas l’être ! Il y a 100 ans, il n'y avait pas d’internet, pas de vols commerciaux et pas de téléphones portables. Pourtant, le monde à cette époque était très semblable au notre. Beaucoup de pays connaissaient déjà à l’époque une relative libre circulation des personnes, du capital et des marchandises, et tous les avantages qui en découlent ; choses que nous considérons comme allant de soi aujourd’hui.
Mais pourtant, il n'y a rien d’acquis dans le processus de globalisation. L'édifice peut s’écouler rapidement s’il est soumis à une menace économique, sociale ou politique.
Deux guerres et une dépression mondiales ont été plus que suffisantes pour mettre un terme à cette première vague de globalisation.
Jusqu’à récemment, beaucoup d'entre nous ont sans doute estimé que la situation dans notre monde mondialisé était 'normale, certaine et permanente '.
Mais sont ensuite venus la crise des sub-prime, le resserrement du crédit, la crise financière, une forte baisse des échanges internationaux et une récession mondiale.
Étant donnés les énormes progrès que nous avons réalisés ces dernières années – la sortie de la pauvreté de millions de personnes, l'interdépendance croissante qui encourage une plus grande stabilité - il est essentiel que le monde ne tourne pas de nouveau le dos à la globalisation suite à la crise mondiale. Il est essentiel que nous évitions les erreurs du passé.
Il y a lieu d'être optimiste. Jusqu'ici, le monde a résisté aux pires tentations protectionnistes. Et il y a une conviction partagée que cette crise nous offre une réelle occasion de corriger les erreurs du passé.
Un fameux poète classique Iraquien du Xème siècle, Al-Mutanabbi, disait que "C'est au milieu de la boue que l'on trouve l'or". De la même manière, nous devons chercher dans cette crise les enseignements qui nous permettrons d’éviter de répéter les erreurs passées, d’identifier les fragilités du système et de les corriger et de retrouver une croissance et un développement durables.
En fait, j'irais jusqu’à dire que la crise financière représente un tournant pour la gouvernance mondiale, à la fois politique et psychologique; l'émergence du processus du G20 en est un signe. Mais il appartient à nous, la communauté international, de saisir cette occasion.
Chers amis,
L’émergence croissante de défis globaux exigeant des solutions mondiales– instabilité financière, développement, réchauffement climatique, pandémies, terrorisme – nous montre que l'inaction n'est plus une option.
Si nous échouons, l'histoire ne nous jugera pas avec indulgence.
Pour sa part, l'UE joue certainement, et continuera à jouer, un rôle central dans le façonnage du nouvel ordre mondial qui voit progressivement le jour.
Permettez-moi de vous expliquer pourquoi.
L'UE est une union d’Etats, de peuples et de citoyens basée sur la démocratie, l'État de droit, les droits de l'homme et l’ouverture des marchés et la libre concurrence.
Elle est née après la seconde Guerre Mondiale dans une Europe complètement déchirée par ce conflit.
L’Europe a su tirer les leçons de cette expérience brutale et saisir l’opportunité de repenser complètement son avenir.
Elle a rejeté la politique internationale traditionnelle, fondée sur la menace de la violence, et a préféré se tourner vers des relations internationales fondées sur le droit et les institutions supranationales.
Ces institutions sont bien plus élaborées que ce que nous connaissons au niveau mondial. En effet, l'UE est une construction originale assez différente de tout ce qui l’a précédé. Ses mécanismes pour obtenir le consensus et pour prendre des mesures communes en font un modèle pour un ordre mondial basé sur l'État de droit.
L'Union européenne représente le triomphe de la réconciliation sur la vengeance ; de la coopération sur le chaos ; de la loi sur la violence.
L'UE n’est pas seulement un modèle pour une meilleure gouvernance mondiale parce qu'elle est la première à agir – ce qui encourage cependant d'autres Etats à agir également. Mais c'est aussi la manière dont nous agissons qui fait de l'UE un laboratoire de la globalisation : consensus entre 27 Etats-nations, partenariats décentralisés avec les autorités et acteurs régionaux et locaux, décisions juridiquement contraignantes, transposition et mise en œuvre de ces décisions, le tout soutenu par la compétence juridique obligatoire et automatique d'une cour de justice supranationale.
Le succès de l'UE dans la promotion de la stabilité et de la prospérité a longtemps fonctionné comme un aimant, favorisant la paix et le changement institutionnel, notamment par le biais de la perspective d’élargissement.
Et aujourd'hui, par le commerce, les finances, la coopération dans les fora mondiaux, l’aide au développement, le partenariat, la prévention des conflits et la protection de l'environnement, l'UE utilise son pois et son influence politique pour promouvoir la paix, la stabilité et la prospérité bien au-delà de ses frontières.
L'UE reste la première puissance commerciale mondiale et lui incombe donc une responsabilité particulière dans la définition des règles multilatérales. L'UE étant le principal marché des pays en développement, elle a aussi une énorme responsabilité morale vis-à-vis d’eux et doit veiller à ne pas les oublier.
Permettez-moi de vous rappeler ici que l'UE est loin d'être parfaite. Elle a ses propres défis à relever – la démographie et la réforme structurelle pour n’en nommer que deux. Son processus de décision lourd, sa nécessité constante de coordination et de respect mutuel dans la recherche laborieuse du consensus entre un grand nombre d’Etats très divers sont en particulier critiqués.
Mais il est difficile de voir comment une gouvernance mondiale efficace, incluant des Etats souverains, peut être réalisée de manière complètement différente. Ainsi, ce que certains voient comme un inconvénient pour l'UE aujourd'hui, sera vu comme un avantage pour un ordre mondial émergeant basé sur des règles de droit.
Prenez l’exemple de la crise et de la réforme du système financier mondial. La position commune de l'UE, approuvée par les États membres en mars dernier, nous a aidés à jouer un rôle fort et important lors de la réunion du G20 à Londres.
Nous sommes déjà en train de mettre en œuvre les engagements pris au G20 en matière de gérants de fonds dits « alternatifs » et de supervision bancaire. Ceci reflète notre détermination à montrer l’exemple.
Par ailleurs, l'UE se félicite de voir émerger le G-20 comme un nouveau forum de concertation et de coopération face à la crise. Ceci marque une étape importante vers une plus grande implication des puissances émergentes dans la gouvernance globale. L'UE est évidement attentive au fait que les différentes régions du monde soient représentées d’une manière adéquate dans les structures de coopération qui se mettent en place.
Et n'oublions pas l'impact de la crise sur les gens ordinaires. En complément de ces mesures techniques, la Commission se concentre à nouveau sur l'emploi - comme en témoigne le sommet de mai à Prague sur l’emploi - et développe des politiques d'aide aux États membres pour la mise en œuvre de réponses efficaces aux défis que représentent de la création d'emplois et de la cohésion sociale.
Je voudrais aussi rappeler que l’UE est le premier pourvoyeur d’aide au développement sur le plan mondial, s’imposant ainsi comme un acteur international clé du développement.
Un autre domaine dans lequel l'UE illustre son influence est le réchauffement climatique. Le leadership de l’UE dans les négociations sur ce thème primordial est devenu un élément marquant de son influence sur le système international.
Lorsque le « paquet énergie-climat » de la Commission a été officiellement adopté le mois dernier (le 23 avril), l'Europe a de nouveau affirmé son rôle pionnier dans ce domaine, devenant ainsi la première région au monde à fixer des objectifs aussi ambitieux et juridiquement contraignants dans le domaine du réchauffement climatique et de l’énergie.
Dans le cas du réchauffement climatique, nous n'avons vraiment pas eu d’autre choix. Dans un monde où l'augmentation annuelle d’émissions en gaz carbonique de la Chine dépasse les émissions annuelles totales de l'Allemagne, comment pouvons- nous rester en retrait et nous contenter d'une action qui se limite aux frontières de l'Europe ?
Mais dans d'autres secteurs aussi, le défi européen des années à venir sera de plus en plus la mise en œuvre externe des politiques internes de l’UE. L’éventuelle ratification du Traité de Lisbonne renforcerait ces efforts, en améliorant la cohésion et l'efficacité de notre action extérieure.
C'est dans ce contexte que la Commission européenne essaye d’améliorer sa coopération avec les Nations Unies et d'autres acteurs internationaux.
L'UE croit fermement que l’Organisation des Nations unies, s’appuyant sur la légitimité unique que lui confère son caractère mondial, peut et devrait contribuer davantage à améliorer la gouvernance mondiale.
Mais il y a une question plus fondamentale que j'aimerais souligner : pour que le multilatéralisme fonctionne en pratique nous avons besoin d’une nouvelle forme de gouvernance mondiale, dotée d’institutions capables de faire face aux défis d'aujourd'hui. La réforme des institutions économiques et financières est une priorité absolue de l'ordre du jour, mais il n’en demeure pas moins que le reste du cadre institutionnel international exige également notre pleine et entière attention.
L'UE est décidée à contribuer à un débat ouvert et constructif sur la réformes des Nations unies. Nous devons nous concentrer sur les solutions– pas sur les problèmes.
Nous continuerons à nous engager aux côtés de nos partenaires partout dans le monde, à comprendre mieux leurs préoccupations et à voir comment nous pouvons avancer ensemble. La réforme n'est pas la prérogative d'un groupe ou d’un autre – elle est nécessaire pour tous.
L’UE et la gouvernance régionale
Les 11 et 12 mai, les représentants des pays et régions du monde entier se sont réunis à Bruxelles lors d’une conférence organisée par la Commission pour débattre et examiner la dimension régionale de la gouvernance dans un monde mondialisé.
L’Union européenne est en effet un exemple et un partenaire pour plusieurs organisations régionales –come le Mercosur, l’ASEAN, le SICA (Système d’intégration centraméricain)- et elle se tient prête à trouver les moyens de soutenir leur développement en tant que piliers de la gouvernance mondiale et régionale.
Permettez-moi de revenir à un exemple d’initiative régionale visant à aborder les défis communs actuels: la nouvelle initiative «Union pour la Méditerranée » pourrait être considérée comme une réponse à la globalisation et aux problèmes régionaux.
C`est bien le modèle européen, avec toutes ses imperfections et ses limites, c`est bien la construction européenne qui, dans son ensemble peut apporter une réponse -pas la seule réponse, mais une réponse possible- aux considérables enjeux de la Méditerranée. Et ce modèle est celui qui a inspiré le Processus de Barcelone, la Politique européenne de Voisinage et l’initiative de l’Union pour la Méditerranée.
Quel que soit l’avenir de la situation au Proche Orient, quel que soit la durée de la crise économique, quel que soit aussi le destin des initiatives politiques comme l’Union pour la Méditerranée, les données de base de la Méditerranée ne changent pas :
- Transformations politiques sur fond d’une transition démographique et sociale profonde, à différent degrés, mais pour tous les pays de la région, et
- Nécessité d’une coopération géostratégique entre l’UE et tous les partenaires méditerranéennes pour faire face aux enjeux communs de sécurité, d’énergie, de bonne gestion des flux migratoires, et de croissance économique durable.
En 2008, fidele à la longue tradition méditerranéenne, l’initiative politique française de lancer l’Union pour la Méditerranée a permis de remettre la Mare Nostrum au centre de la politique extérieure européenne. Il s’agissait aussi d’aborder le problème majeur auquel nous sommes confrontés : le différentiel de prospérité entre le nord et le sud de la Méditerranée. Par exemple, 14 kilomètres séparent l’Espagne et le Maroc par le détroit de Gibraltar mais il y a une différence de 1 à 14 entre les PIB par habitant entre ces deux pays.
Le rôle de la France a été essentiel. Mais la contribution de la Commission européenne a été très importante aussi.
Ainsi, après des longues consultations avec tous les partenaires, la Commission a été en mesure de faire des propositions à la fois ambitieuses et réalistes. Le résultat de cette approche est que les conclusions du sommet de l’UPM de Paris du 13 juillet 2008 sont largement fondées sur les propositions de la Commission.
Quel sont les grandes réussites de ce sommet ? Il y en a essentiellement trois :
- Placer les relations euro-méditerranéennes au plus haut niveau politique. Les chefs d’Etat et de gouvernement de la région se réuniront désormais tous les deux ans pour piloter un partenariat essentiel à la prospérité et à la sécurité de l’ensemble des pays de la région.
- Mettre en place une nouvelle structure institutionnelle pour le partenariat euro-méditerranéen, avec une coprésidence, un secrétariat et un comité conjoint permanent basé à Bruxelles.
- Lancer 6 grands projets régionaux : la dépollution de la Méditerranée, la construction de routes maritimes et terrestres, la création d’un programme commun de protection civile sur la prévention, la préparation et la réponse aux catastrophes, le développement des énergies renouvelables, l’appui à l’enseignement supérieur et à la recherche et l'initiative méditerranéenne de développement d'entreprises.
Ces réussites n’ont pas pu effacer la grande insuffisance de notre partenariat régional : l’incapacité de la communauté internationale à résoudre le conflit au Moyen-Orient. L’épée de Damoclès qui a pesé très lourdement sur le processus de Barcelone continue à peser sur l’UPM.
Comme vous le savez, l’arrêt complet des activités et des réunions suite au conflit à Gaza n’a pas permis de faire avancer les principaux dossiers de l’Union pour la Méditerranée, et notamment :
- La mise en place du secrétariat ; et
- La préparation des 9 réunions ministérielles de l’UPM prévues pour 2009.
Malheureusement ce n’est pas la première fois qu’une situation de conflit grave affecte la région. En 2006, la présidence finlandaise de l’UE a été confrontée à une situation semblable suite à la guerre du Liban.
Mais, malgré les conflits et fractures, la conscience d’un patrimoine à préserver et d’un avenir commun persiste. Un patrimoine politique représenté par les acquis du Processus de Barcelone et de l’UPM. Et surtout un avenir commun face aux nombreux enjeux mondiaux.
Permettez-moi de faire référence à trois enjeux majeurs de la région, hormis, bien entendu, celui de la paix qui reste une priorité essentielle. Trois défis pour la région toute entière mais aussi trois opportunités pour l’Europe et son double rôle de principale puissance commerciale et de principal donateur d’aide au développement.
Le premier enjeu fondamental pour la Méditerranée : l’emploi. D’ici à 2020 les pays méditerranéens partenaires devront créer 22 millions de nouveaux emplois rien que pour maintenir le taux de chômage actuel qui est déjà très élevé.
C’est un défi de grande envergure, mais c’est aussi une grande opportunité de croissance pour les partenaires eux-mêmes, et bien entendu, pour l’Europe, ses investissements et son commerce. Une bonne gestion de la mobilité des personnes et des ressources humaines des deux côtés de la Méditerranée restera une priorité. Les deux régions peuvent exploiter les opportunités d’une collaboration accrue dans le domaine de ressources humaines et de la migration légale.
Deuxièmement, l’importance du réchauffement climatique pour la Méditerranée. Celui-ci devrait affecter très particulièrement la région. Les 22 pays riverains comptent 7% de la population mondiale mais uniquement 3% de ses ressources en eau. Le coût de la dégradation environnementale dans certains pays comme en Egypte ou en Algérie dépasse 5% du PIB.
Enfin, l’énergie. Il s’agit d’un enjeu stratégique à l’échelle mondiale. La Méditerranée représente 6% de la production de pétrole et 5% de la production de gaz mondiale. Mais plus important encore, 1/4 de tout le gaz et le pétrole qui fait l’objet du commerce international transite par la mer Méditerranée. Nous sommes donc dans une région stratégique pour l’Europe en ce qui concerne l’approvisionnement énergétique et la crise gazière entre la Russie et l’Ukraine ne font que confirmer l’importance d’une diversification de sources énergétiques pour l’Europe.
En conclusion, nous devons donc cultiver inlassablement notre volonté commune et notre persévérance pour faire face aux énormes défis auxquels la communauté internationale est confrontée, et pour aller de l'avant. C’est le point de départ naturel de tout effort pour améliorer la gouvernance mondiale.
Je vous remercie de votre attention.
Eneko Landaburu
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